Relations Suisse-Union européenne: l’impatience gronde

R ien, dans l’histoire des relations entre la Suisse et l’UE, n’a jamais été tranquille. Depuis l’Accord de libre échange de 1972 jusqu’à la pénible rupture des négociations sur un accord institutionnel en mai 2021, ces relations ont connu des hauts et des bas constants, tous déconcertants, un bateau qui tangue sans jamais sombrer. Le poids des ans fait son œuvre. Le couple Suisse-UE, trop régulièrement aigri, continue à opérer tant bien que mal dans une bulle économique et politique, dangereusement, près de l’explosion. Le dilemme est évident et sans appel: participer aussi pleinement que possible à l’UE sans vouloir y appartenir, comme membre à part entière. Comment expliquer cette dichotomie qui perdure et y mettre terme?

Rechercher sans cesse une forme d’intégration économique de la Suisse à l’UE, le plus vaste marché économique du monde, tombe sous le sens. Un pays aussi économiquement prospère et solide ne peut que coopérer étroitement avec l’UE dans d’innombrables domaines. Créer un réduit économique pour la Suisse est utopique et infaisable. Quatrième partenaire de l’UE, la Suisse a créé des liens économiques extrême- ment étroits avec l’UE, à l’exception, par exemple, de l’électricité, des services financiers et de la santé. Le grand marché intérieur de l’UE n’a plus de secret pour la Confédération et ses cantons. Les accords sectoriels bilatéraux en place sont à plusieurs égards une voie royale, unique et incom- parable dans les relations que l’UE entretient avec une multitude de pays tiers.

Sous peine de s’effriter, l’UE doit contrôler rigou- reusement son royaume et tout pays tiers qui y participe est tenu d’en respecter les règles. La même discipline s’applique à ses vingt-sept Etats- membres, une tâche non sans défi.

Ces contraintes réglementaires de l’UE viennent naturellement et régulièrement bousculer l’ordre politique et constitutionnel suisse, d’où une perpétuelle tension latente et malsaine qui freine substantiellement et parfois bloque purement et simplement le développement de la coopération.

L’UE réclame depuis des années et sans succès, une base nouvelle, demandant à être sérieusement rénovée et fonctionnelle, de sa relation avec la Suisse. Il va sans dire qu’il est impossible, irréalisable pour la Suisse, même si elle le voulait, de s’extraire de cette collabo- ration vitale et, simultanément, refuser de reprendre, à son compte, certaines normes communautaires. Exemple parmi d’autres : il est compréhensible que la Suisse, un pays tiers souverain, veille méti- culeusement à ne pas être cernée par une reprise dite dynamique des règles européennes concernant la libre circulation des personnes dont, en particulier, la protection des salaires. L’intervention, et en fin de compte le rôle de la Cour de Justice de l’UE dans le bon fonctionne- ment des accords avec la Suisse, est devenu un épouvantail, considéré comme une ingérence inacceptable dans la souveraineté nationale. On le sait et on le répète en vain, il s’agit là d’un argument infondé, toxique, développé par ceux qui ne voient dans l’UE qu’un grand marché où chacun devrait se servir librement. Cet antagonisme entre la souveraineté de la Suisse, telle qu’elle la perçoit et la pratique et sa participation au marché intérieur de l’UE reste difficile résoudre tant les opinions demeurent vigoureusement tranchées de part et d’autre.

Des solutions sont actuellement en vue, mais les concessions réci- proques entre les deux partenaires sont complexes et la pesée des intérêts et surtout, la création d’un parfait équilibre freinent les discussions initiées il y a bientôt deux ans. La diplomatie suisse œuvre de son mieux, avec une véritable dévotion et finesse. On ne peut en dire autant de la classe politique, à tous niveaux. Un travail technique de haut vol se doit être soutenu par une volonté politique claire ; pour l’instant, elle est difficilement perceptible et encore volatile.

Le Comité Suisse-UE, un organe apolitique de la Chambre de Commerce suisse en Belgique et au Luxembourg, s’efforce d’apporter des explica- tions et des clarifications dans ce difficile débat. Il constate avec satisfaction que les autorités suisses progressent lentement, mais soigneuse- ment, dans le dialogue exploratoire engagé avec la Commission européenne. Les pourparlers et sondages pourraient, dit-on, aboutir à l’adoption des bases pour un mandat de négociation avec l’UE, en juin prochain. Rien toutefois n’est moins certain que ladite date, d’ailleurs accompagnée d’une autre, à savoir la conclusion d’un accord- cadre de deuxième génération, à l’été 2024, comme souhaité par la Commission européenne.

Le Comité Suisse-UE continuera ses efforts d’explication par l’inter- médiaire de publications et de conférences publiques sur des thèmes précis tels que la possible réintégration de la Suisse dans le programme européen de recherches Horizon. Le principal souci et objectif de l’économie suisse est d’assurer la poursuite et le maintien de liens pérennes avec l’UE et, à tout prix, éviter la lente et coûteuse érosion qui menace la survie même de la construction bilatérale. Et au-delà, si la Suisse le veut bien, conserver la place de choix à laquelle elle a droit dans une Europe solidaire et forte. Une histoire de famille à régler au plus tôt...

Jean Russotto
Président du Comité CH-UE

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