Editorial du Comité CH-UE
Suisse-UE: Rapprochement en vue
La longue et lente marche vers un nouveau jeu d’accords entre la Suisse et l’UE a avancé, explique-t-on, et vérification faite, ce compte-rendu préliminaire est en effet positif.
L’automne pourrait voir les négociateurs franchir une étape déterminante, peut-être avant la fin de l’année. Cependant, la prudence demeure de mise et une conclusion des négociations en 2024 reste à ce stade incertaine.
Il apparaît - et cela devra être vérifié par des confirmations officielles des deux parties - qu’une tranche essentielle a été mise sous toit. Ce qu’on appelle la dimension institutionnelle des accords, à savoir essentiellement la reprise dynamique du droit européen par la Suisse, le rôle de la Cour de Justice de l’UE (seule habilitée à interpréter le droit européen), le règlement des litiges par un tribunal arbitral qui décidera la grande majorité des éventuels litiges, aurait été agréé de part et d’autre.
Sans un cadre institutionnel adéquat, nulle autre avancée, dans aucun secteur est possible. Depuis plus de dix ans, l’UE réclame une refonte d’une base institutionnelle qu’elle juge inacceptable et peu fonctionnelle. L'impatience de l'UE est compréhensible.
Autre dossier épineux et qui touche à des matières cantonales importantes, l’autorisation et la surveillance des aides d’état est dit comme généralement réglé.
En revanche, un point d’interrogation fondamental dérange et inquiète : comment s’entendre sur le bon fonctionnement de la libre circulation des personnes de façon à préserver une immigration massive en Suisse, est de plus en plus difficile à gérer. L’accompagne, la manière de protéger adéquatement les salaires...
La crainte de voir la Suisse devenir un pays surpeuplé et désorienté constitue un débat politique qui divise et où les extrêmes s’opposent. Un moyen pratique d’arriver à contrôler une immigration en provenance de l’UE jugée excessive pourrait être ainsi la mise en place de mécanismes quantitatifs et qualitatifs qui seraient alors insérés dans une clause dite de sauvegarde. Une telle disposition existe déjà dans l’accord sur la libre circulation des personnes (article 14.2) mais n’a jamais été utilisée faute de critères précis. L’idée de restrictions à la libre circulation des personnes n’est pas particulièrement en odeur de sainteté auprès de l’UE. Une très grande patience mais surtout une grande habilité seront nécessaires à la Suisse pour faire prévaloir que dans certaines circonstances, l’immigration doit être absolument contrôlée. Les partis politiques divergent fondamentalement sur la manière d’avancer sur cette question ; cela d’autant plus qu’un vote populaire sur l’initiative dite « la Suisse à 10 millions » se profile en 2026 risquant un possible télescopage avec l’approbation des nouveaux accords également au cours d’une votation populaire.
D’autres points devront être réglés avant la fin de l’année et ils ne sont pas des moindres. Ainsi, l’accord sur l’électricité, l’arlésienne de la négociation Suisse-UE. Il s’agit d’un accord délicat qui pourrait signifier la libéralisation du marché de l’électricité au niveau du consommateur. Une autre tâche, celle de s’entendre sur une contribution financière de la Suisse, pérenne et inscrite dans les nouveaux accords, avec comme but de soutenir la cohésion et le développement du marché intérieur, ainsi qu'apporter un soutien à certains Etats-membres.
Enfin, plusieurs autres questions demandent à être réglées rapidement. Deux exemples : le sort d’Horizon Europe avec un possible retour entier de la Suisse dans ce programme et les futurs accords sur la santé et la sécurité alimentaire.
Comment arriver à boucler ce paquet dans un temps raisonnable ? En premier lieu, la présence d'une volonté politique unanime et non équivoque des autorités suisses afin de proprement terminer la besogne. S'y ajoute la poursuite laborieuse du travail de talentueux diplomates suisses et communautaires. Tout porte à croire qu'une conclusion dans un futur rapproché est possible. À moins que la politique ne prenne le dessus et impose un choix impossible au peuple suisse, celui entre une coopération étroite avec l'UE, ou une marginalisation grandissante de la Suisse dans le monde.
Jean Russotto
Président du Comité Suisse-Union Européenne